La Pédagogie
« Alors, une faculté pitoyable se développa dans leur esprit, celle de voir la bêtise et de ne plus la tolérer. » G.Flaubert
Clefs pour la pédagogie : passe-partout ou rossignol ? La pédagogie existerait-elle encore en ce monde ?
Nous la croyons morte sous le poids du ridicule et enterrée sous ses propres débris ; à moins qu’elle n’ait été absorbée par la science et sublimée, du moins chez nous dans les hauteurs de l’Education Nationale, l’ère de l’Instruction publique y étant depuis bien longtemps révolue.
Mais si la pédagogie était une science, elle serait moins contestée. Et si elle est demeurée….un art appliqué, on se demande à qui, désormais, elle s’applique, passé l’âge d’or de l’école maternelle.
Quel impudent oserait encore parler et surtout écrire à propos d’une pédagogie qu’on osa dire générale pendant plusieurs décennies ? Comme si il existait des méthodes qui puissent apprendre n’importe quoi à n’importe qui !
Ah ! Nous n’en sommes plus à l’époque où le certificat venait couronner les études élémentaires, ou l’examen d’entrée garantissait le niveau des élèves qui accédaient à l’enseignement du second degré : la qualité était alors d’appellation contrôlée ; les instituteurs faisaient leur travail, et nul n’aurait songé à en contester la valeur.
Mais depuis les révolutions de l’audiovisuel et de l’informatique, sans parler des « révolutions culturelles », le paysage a bien changé. Bref la pédagogie n’est plus ce qu’elle était ; les pédagogues sont méconnaissables ; et les élèves donc ! On ose à peine en parler. Personnes ne s’y retrouvent plus : les parents ne reconnaissent plus leurs enfants parce qu’ils ne ressemblent pas aux enfants qu’ils furent, les maîtres ne les reconnaissent pas mieux, et tout le monde se mêle désormais de tout, tant est l’angoisse des hommes et vertigineux le désarroi des choses…
Tout le monde a changé, et vous, et vos enfants, et leurs maîtres, et l’air du temps, et l’environnement matériel et moral. Mais il faut continuer d’apprendre. Et d’abord le langage et les mécanismes fondamentaux (« lire, écrire, compter »). Pour cela, il y a toujours besoin de pédagogie.
La pédagogie reste bien la seule connaissance dont chacun se sente imbu sans en avoir jamais rien appris. La pédagogie a d’abord ceci de paradoxal que chacun l’exerce spontanément, persuadé qu’il n’a de leçon à recevoir de personne, mais qu’en revanche, il a tout ce qu’il faut pour en donner à qui que ce soit.
Il existe en effet bien des clefs pour la pédagogie, même si on peut y entrer par effraction en prenant tous les risques.
D’autre part, il n’est pas moins important de noter que, lorsque l’institution qui délèguera son pouvoir à des hommes ou à des femmes pour instruire et éduquer les enfants sera puissante et révérée, les pédagogues bénéficieront de son prestige. En revanche, quand on mettra en doute sa capacité, voire son droit à l’enseignement, les pédagogues en subiront très vite les conséquences. Il est d’ailleurs évident que la qualité des pédagogues influe sur ce que pense l’opinion de l’institution qui leur délègue ses pouvoirs.
Mais il serait stupide d’en rester à ces vues simplistes qui risquent de présenter les institutions, les maîtres et les élèves comme des éléments isolés, indépendants des évènements politiques et économiques, et de l’évolution des mentalités qui en résulte. Aussi faut-il dire avec force que l’acte d’enseignement-éducation est inséparable du « climat » dans lequel il s’exerce. Même lorsque l’institution et ses dérivés restent fixes, le climat se modifie au point que nulle génération n’est instruite ou éduquée comme l’a été la précédente, ou comme le sera la suivante ; à plus forte raison quand on tente d’adapter l’institution et ses moyens d’action à la modification du paysage ou du décor, bref, à l’environnement au sens large du mot. Tout bouge et tout a toujours bougé, en dépit d’apparences trompeuses de fixité, en matière d’enseignement et d’éducation. Et par voie de conséquence, le statut du pédagogue dans la société.
Quand, en France, à partir de la Révolution, l’enseignement, qui avait été surtout une affaire d’Eglise, devient progressivement une affaire d’Etat, il devient plus clairement une affaire politique en un sens parfois très étroit (Loi Falloux).
Le pédagogue est un bouc émissaire facile à désigner ; or , on a tout bonnement changé le poste de travail de l’enseignant, au niveau élémentaire, en affirmant que tous devaient réussir, au niveau secondaire, en faisant passer au collège des élèves qu’il ne pensait jamais y voir.
On déclare alors qu’il faut tout bonnement qu’il faut supprimer le redoublement. On déclare en même temps qu’il faut bouleverser de fond en comble un enseignement élémentaire jugé inadapté, modifier la formation des maîtres. Cette formation est institutionnalisée en 1972, et finalement faire en sorte que tous les élèves de 12 ans aient quitté l’école pour le collège. L’opinion, savamment orchestrée, par des discours officiels qui, peu à peu, changent de ton, et se préoccupe plus que jamais des résultats de la pédagogie et de moins en moins de ses conditions d’exercice. L’opinion abandonne les enseignants, ou plutôt ne les lâche plus. Les pères ou les mères de famille, dont certains ont renoncé à éduquer leurs enfants, et dont certains au contraire les harcèlent comme jamais, imputent volontiers aux pédagogue le fait qu’ils ne règnent plus sur leur progéniture et qu’ils la « casent » de plus en plus difficilement.
Elle oublie aussi la place souvent prépondérante qu’a prise la télévision dans la vie des enfants, une télévision qui finit par offrir n’importe quel spectacle à n’importe quelle heure, qui assène violence, la désinformation ou le happening, qui mêle le présent, le passé et l’anticipation (pas toujours décelable), le réel et le fictif, le stupide et le stimulant, dans une danse effrénée. Or, c’est dans cette joyeuse ambiance qu’on demande aux pédagogues d’instruire et d’éduquer. C’est aussi dans ladite ambiance que nous sommes persuadés qu’il vaut mieux expliquer les choses aux gens que de laisser leurs enfants et leurs petits-enfants mourir aussi intoxiqués et aussi aveugles qu’ils le sont devenus.
Début des années 70, réorganisation de l’enseignement élémentaire (les tiers temps pédagogique). A vrai dire, en fait d’innovation, c’est l’irruption de la mathématique moderne et de la linguistique qui constitue l’élément déterminant, parce qu’elle remet d’abord en question le savoir des pédagogues.
Dirons-nous qu’on sait désormais ce qu’est précisément la pédagogie ? Même pas. Elle est du domaine de l’inchoactif parce que le monde est lui-même en train de se faire et qu’on sait mieux que jamais qu’il n’est pas achevé.
UNIVERSALITE DE LA PEDAGOGIE
Si nous nous en tenons à la définition générale que les dictionnaires donnent de la pédagogie – « science ou méthode dont l’objet est l’instruction ou l’éducation des enfants » - , il nous faut d’abord admettre que la chose a précédé le mot qui sous-entend une action concertée des adultes, et admettre en deçà, pourrait-on dire, que les enfants n’attendent pas l’initiative de leurs aînés pour s’instruire et s’éduquer. En somme, c’est peu de dire que la pédagogie est universelle. Tout le monde enseigne, ne serait-ce qu’en agissant au vu et au su d’autrui, en tant qu’exemple possible. L’opinion estime qu’on n’est pas bon pédagogue si l’on n’aime pas les enfants. Nombreux sont les enseignants qui apprennent à aimer leurs élèves grâce à la connaissance originale très concrète que confère le fait de les enseigner. L’enseignement ne se caractérise pas seulement par sa matière ou sa manière, il se caractérise aussi et surtout par ses effets positifs.
SINGULARITE DE LA PEDAGOGIE
La pédagogie désigne des réalités très diverses et que son champ est plus ou moins étendu selon les personnes qui sont censés l’exercer, selon son mode d’administration ou même l’idée qu’on s’en fait, à l’intérieur ou à l’extérieur du monde de l’enseignement.
Ainsi à niveau égal la pédagogie varie selon l’organisation de l’établissement, selon le projet éducatif de celui-ci, selon l’enseigné, selon la matière, selon le type propre à chaque enseignant, selon la spécificité (niveau relatif, caractère propre, ambiance) de chaque classe, au point qu’aucune classe ne ressemble exactement à une autre, surtout dans un pays comme le nôtre où une organisation générale, souvent rigide en apparence, tolère (et peut-être trop) toutes les variétés de méthodes (d’ensemble) et de techniques (particulières). En matière de singularité quatre problèmes s’énoncent :
- Quel temps le maître doit-il consacrer à l’élève ?
- Convient-il de continuer à parler pédagogie quand d’aucun la considère comme « une scolastique pédante et vaine » ?
- Peut-on concevoir une pédagogie sans contrôle ?
- La pédagogie se limite-t-elle à son objet ?
LA PEDAGOGIE EXISTE-T-ELLE VRAIMENT
- Ou bien on considère que certaines disciplines arrivent à pénétrer « l’élève » sans qu’une action concertée ait été engagé par un tiers selon un projet bien précis à cet effet
- Ou bien on estime que la transmission du savoir s’opère lorsqu’un « maître » (et on donne alors au mot sa plus noble acception) expose tout simplement ledit savoir à un élève curieux apte à le recevoir, et cela sans règles extrinsèques ou sans autre souci que d’aller du simple au complexe
- Ou bien on est persuadé qu’on apprend en apprenant, et notamment par lecture et documentation d’accompagnement
Tout le monde sait que beaucoup d’élèves aiment telle ou telle discipline d’abord parce qu’elle est présentée et représentée par tel enseignant sympathique. On ne sait pas assez que l’échec scolaire affecte le responsable de l’instruction autant que l’élève en difficulté, et que plus la matière enseignée est réputé simple, plus cuisante est la double humiliation.
Pour le plus grand nombre, et quelle qu’elle soit, la pédagogie est nécessaire, autrement dit inévitable et indispensable.
PEUT-ON CONCEVOIR UNE PEDAGOGIE SANS CONTROLE ?
L’enseignement public et privé enseignent, mais ils n’instruisent pas forcément. Il n’y a pas d’enseignement qui n’ait profité à personne ; mais existe-t-il un enseignement qui ait profité à tous autant que de besoin ? Impossible de répondre affirmativement.
LA PEDAGOGIE SE LIMITE-T-ELLE A SON OBJET
Quelle que soit sa spécialité, tout enseignant est professeur d’observation et de langue maternelle. Paul Valéry a écrit : « Deux dangers ne cessent de menacer le monde : l’ordre et le désordre. » Cela vaut aussi bien pour l’éducation à propos de laquelle peu de gens ont osé le dire, et même le penser.
En somme, la singularité la plus originale de la pédagogie, c’est le risque d’engendrer l’effet contraire à sa finalité première (laquelle est toujours conçue positivement) pour peu qu’elle glisse à fabriquer des poisons à cause de son autosuffisance et des perversions inhérentes à la pointe la plus aiguë de sa technique. Quoi qu’il en soit, le pédagogue qui débute rêve d’être savant, puissant et admirable ; il projette dans son idéal ce qu’il aurait peut-être souhaité trouver au moment voulu par lui, chez les enseignants à qui il a été confié. On ne dira jamais assez que la pédagogie, pour certains, se dispense de moins en moins à l’école, alors que, pour d’autres, elle ne se contente pas de mettre en place un savoir mosaïque, mais qu’elle doit effectuer, quand elle le peut et quand elle en prend conscience, un travail permanent de réparation et de définition qui semble superflu aux enfants dont les parents ont le temps et la capacité de l’effectuer à domicile.
LANGAGE ET COMMUNICATION
Illusion entretenue par les médias « j’ai vu, donc je sais ». Comment ne pas être effrayé, aussi, par le fait que la violence, le crime, et la guerre deviennent des phénomènes familiers, habituels, dont on ne sait pas, à la rigueur, s’ils appartiennent à la réalité ou à la fiction, et qui finissent par laisser indifférent, quelle que soit leur fréquence ou leur horreur ?
Compte tenu des complications produites par la généralisation des médias dans la vie courante, l’enseignant doit avoir présent à l’esprit ces vérités simples relatives à la communication et au langage :
- L’enfant écoute avant de parler, parle avant de lire, lit avant d’écrire, écrit avant de rédiger.
- On lit plus vite qu’on n’écoute (et qu’on ne parle) ; on parle plus vite qu’on écrit.
- C’est en parlant qu’on apprend à parler, c’est en lisant qu’on apprend à lire…
Ceux qui parlent, lisent, écrivent, rédigent ont recours au même silo de ressources : leur propre mémoire ; ainsi les auteurs les plus originaux sont d’abord d’éminents plagiaires, car la structure de la langue est telle qu’elle ne supporte pas d’être brisée, et on ne peut s’en servir sans la respecter et sans utiliser des éléments isolés ou groupés qui, pour la plupart, ont déjà servi.
Utiliser le langage, pour parler du langage, met en évidence sa fonction, et nous en abusons. Mais le pédagogue fait-il jamais autre chose, que de substituer aux gens, aux êtres, aux objets, aux idées, aux mots convenablement agencés eux-mêmes un discours à leur sujet qui les rende moins effrayants et qui les apprivoise pour un temps, afin de donner à l’élève l’envie d’aller plus avant dans leur connaissance ?
PEDAGOGIE PRATIQUE
Tout livre qui traite d’un sujet élémentaire tend à le compliquer. De même, tout spécialiste rend compliquée une chose simple dès qu’il la sent et qu’elle est, de fait, intégrée à l’ensemble où il est passé maître. Ainsi tout discours pratique sur la pédagogie doit-il conseiller au maître à la fois de ne pas nuire aux élèves qu’il enseigne, et de ne pas nuire en ayant l’air d’avoir épuisé sa science, ou de travailler à l’extrême limite de son savoir-faire.
On laisse dire que le pédagogue jouit d’une immense liberté. Voilà une affirmation qui mérite d’être nuancée. Le maître choisit rarement ses collègues, sa classe, ses élèves et le niveau de ceux-ci. En plus, il est connu que beaucoup de jeunes pédagogues enseignent d’abord comme ils ont vu enseigner lorsqu’ils étaient élèves. A tout moment de sa carrière, le pédagogue doit choisir sa manière d’enseigner : encore faut-il qu’il soit efficace et que le style qu’il adopte « lui aille » deux exigences parfaitement conciliables. Les enfants ont aussi besoin de maîtres heureux, qui n’aient pas l’impression d’accomplir chaque jour une performance extraordinaire, voire de courir une aventure à l’issue incertaine, mais qui soient assurés, chaque jour, de remporter un succès tactique. Les compétences des élèves peuvent varier sans que les enseignants en aient toujours conscience : ainsi la vitesse de lecture et la vitesse d’écriture, primordiales, n’ont jamais été appréciées par les épreuves dont beaucoup semble avoir la nostalgie : l’examen d’entrée en sixième et le certificat d’études…. Quant à la mémoire, elle n’est plus à la mode, étrange aberration car tout l’enseignement repose sur elle.
La pédagogie traditionnelle conseillait que toute leçon aboutit à un résumé rédigé en commun avec l’aide, plus ou moins appuyée, du maître. Cette recommandation n’a rien perdu de sa valeur (« ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ») et, pour ce qui concerne l’enseignement élémentaire, brièvement. Un des meilleurs exercices de l’esprit est la mise en lumière de l’intention d’un texte, qui peut être différente de son idée générale dont l’énoncé n’est pas moins utile.
REMARQUES SUR LE SENS DES MOTS ET L’IRRATIONALITE
Il faut conseiller l’emploi systématique des dictionnaires pour rappeler qu’il faut donner l’habitude aux enfants de na pas accepter de mots inconnus sans qu’on en délivre le sens (ou sans qu’on invite aussitôt à chercher celui-ci).
EDUCATION ET HUMOUR
L’opinion commune veut que l’humour soit le produit d’une faculté innée, non sans sous-entendu (un paradoxe de plus !) qu’il est étranger aux enfants. Rien n’est plus faux. On se refuse à voir que ceux qui manifestent de l’humour ont dû, pour y parvenir, dépasser l’éducation qu’ils ont reçue, ou qu’ils sont en train de recevoir. En effet, l’éducation des enfants pèche généralement par excès de sérieux ; elle procède, entre autres, de la peur de rester petit, de la vanité de devenir grand.
CONCUSION
Nous sommes tous pédagogues les uns des autres, que nous le voulions ou non ; et voilà bien, au fond, la vrais et la seule solidarité organique du genre humain. La qualité d’un système d’enseignement s’apprécie à l’importance des efforts consentis en faveur de ceux pour qui l’instruction n’allait pas de soi.
Contact
RECRUTER FORMER MANAGER AIDERUP-And-COM'se former autrement
108 Rue De La Caverne
Résidence Thémisto
97460 SAINT PAUL
www.up-and-com.org
06 92 74 55 25
fdspat@orange.fr